Par André Fauteux
Pendant des décennies, l’arséniate de cuivre chromaté (ACC),
un pesticide, a été le traitement de choix pour la protection à long
terme du bois contre les champignons, les insectes et les tarets.
Le bois ainsi traité a été retiré du marché résidentiel nord-américain
en 2004 : c’est que son agent de conservation renfermait et lessivait
de l’arsenic et du chrome, hautement cancérigènes, ainsi que du
cuivre. Encore aujourd’hui, Santé Canada recommande de sceller au moins aux deux ans tout bois traité à l’ACC existant. C’est qu’il lessive encore davantage ses poison après dix ans. Et surtout, il faut éviter que les enfants — qui mettent souvent leurs mains dans leur bouche — touchent ce bois et y marchent pieds nus.
Parmi les solutions de rechange à l’ACC homologuées par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada, on retrouve les sels de cuivre alcalin quaternaire et d’azole cuivré. Le bois traité avec ces substances domine actuellement le marché, car il est relativement abordable et plus durable que le bois non traité. Toutefois, la prudence est de mise, car ces produits à base de cuivre sont des pesticides au même titre que l’ACC. Leur évaluation toxicologique est encore en cours, comme le souligne l’Institut de la recherche scientifique français (inrs.fr).
D’ailleurs, Environnement Canada déconseille le bois traité au cuivre pour tout objet susceptible d’être en contact direct avec des aliments, y compris les boîtes à compost. Le ministère recommande de porter des gants et des manches longues en le manipulant, de porter un masque en le coupant, de se laver les mains après y avoir touché, de laver les vêtements de travail séparément et surtout de ne jamais brûler ce type de bois, car il émettra de la fumée toxique. Bref, il faut prendre les mêmes précautions que celles qui sont de mise avec du bois traité à l’arsenic.
En outre, on sait qu’à forte concentration, le cuivre est toxique pour les poissons et d’autres organismes aquatiques. Or, les bois traités avec ce métal en lessivent de 10 à 20 fois plus dans l’environnement que le bois traité à l’ACC. D’autres organismes qui ne sont pas visés par le traitement du bois, comme les oiseaux, les insectes, les mammifères et les végétaux, peuvent aussi être exposés au cuivre présent dans l’environnement. D’ailleurs, Alex Wilson, éditeur de la bible américaine du bâtiment vert, Environmental Building News, est formel : il déconseille absolument l’usage de bois traité à base de cuivre dans les utilisations aquatiques (quais et promenades au-dessus des terres humides). De plus, étant donné que le cuivre provoque en peu de temps la corrosion des vis et autres attaches métalliques, celles-ci doivent être doublement ou même triplement galvanisées.
Autres options vertes
Développé par l’entreprise américaine Timber Treatment Technologies, établie à Springfield, en Virginie, le produit TimberSil utilise un procédé innovateur qui combine le pin jaune avec une poudre de silicate de sodium qui protège le bois et a l’apparence du verre. La fusion du bois et du verre donne des résultats dignes de mention : matériau écologique, non toxique et qui conserve au bois toutes ses propriétés, il est à l’épreuve du feu et vendu avec une garantie de 40 ans contre la détérioration. De plus, il est si dur qu’on peut le laver avec un appareil à pression sans risque de l’endommager, et il ne risque pas de corroder le métal.
Ce produit a remporté plusieurs honneurs, dont le Nontoxic Barrier Product 2008 remis par l’Agence américaine de protection de l’environnement (US EPA), et il a été sélectionné dans le Top 10 Green Building Products 2004 décerné par EBN. Le bois TimberSIL, certifié FSC (Forest Stewardship Council), permet de recevoir des crédits dans le cadre de la certification des bâtiments verts LEED. Au Canada, Advanced Building Materials, une entreprise de Sarnia, en Ontario, vient de signer une entente avec la société américaine pour distribuer le TimberSIL au Canada. Son prix : 25,72 $ pour un planche de 5/4 po x 6 po x 12 pi. Photo Timber-Sil (timbersilwood.com) Nouveauté écolo de l’heure aux Etats-Unis, le bois vitrifié Timber-Sil est non toxique et incombustible.
Consultons un pro
Finalement, nous avons demandé à un spécialiste de la finition du
bois de l’Outaouais quelles étaient ses préférences en matière de
protection du bois d’extérieur. Daniel Lavergne est copropriétaire
de la scierie Lavergne & Laporte, de Ripon, qui fabrique du déclin
de bois et du bardeau de cèdre. Sa solution préférée est tout
simplement de laisser le bois se protéger lui-même en ne le
traitant pas et en le laissant grisonner naturellement. « La beauté
du bois de grange, dit-il, c’est qu’on n’a pas l’odieux d’avoir à le
reteindre continuellement. » Par contre, avec cette façon de faire,
la coloration ne sera pas égale. Pour obtenir ce gris uniforme,
Daniel Lavergne traite son bois au sulfate de fer, un produit
écologique qui donne au bois une teinte d’abord verdâtre, puis
argentée.
« L’action de la sève qui renferme des matières solubles,
susceptibles de fermenter, est la cause principale de la
détérioration du bois, explique M. Lavergne. C’est cette
fermentation qu’il faut tenter sinon d’annuler du moins de ralentir. Le sulfate de fer aide à ralentir ce processus. Il faut savoir que le sulfate de fer sert depuis fort longtemps à la purification de l’eau, la conservation du bois, le traitement des vignes contre le mildiou et à d’autres usages de désinfection. »
Lavergne & Laporte commercialise ce produit sous le nom de Sul-Tanin en sachet de 100 g que l’on dilue dans 20 litres d’eau. Cette solution pourra traiter de 750 à 1 000 pi2 (93 m2) de bois. Un seul traitement est suffisant à vie. Le sac de 20 g couvrira quant à lui de 150 à 200 pi2 (de 14 à 18 m2). « Nous avons constaté qu'il donne exactement le même effet que le produit LifeTime vendu le double du prix. »
« Pour traiter du bois à la verticale, je recommande de placer une toile dans le bas et de diriger l’écoulement vers un récipient pour récupérer la solution », précise Daniel Lavergne.
En terminant, ce spécialiste insiste sur le fait que peu importe le traitement que l’on choisit d’appliquer sur le bois, rien ne remplace le savoir-faire. « La construction d’un ouvrage dans les règles de l’art sera toujours la meilleure garantie contre la pourriture. La terrasse doit être construite à une certaine distance du sol et le dessous doit être bien ventilé pour contrer l’humidité. Une terre à patates où poussent les pissenlits sous la galerie, c’est le microclimat idéal pour les champignons. Idéalement, il faut couper l’humidité en déposant une membrane géotextile sur le sol, que l’on recouvrira d’une pierre qui absorbera l’humidité. De plus, il vaut mieux poser des poutres pleines que du bois superposé pour éviter l’accumulation d’eau sur le bois. »
Enfin, Daniel Lavergne souligne
que la pourriture est généralement
causée par l’accumulation de
débris humides entre les planches.
Solution : « Soit installer les
planches très serrées ou bien
laisser entre celles-ci un espace
de 3/8 po (9,5 mm) ou même de
1/2 po (12,7 mm). Par la suite,
chaque année, il suffira de nettoyer
les débris avec un appareil à
pression, en prenant soin d’utiliser
la bonne buse ainsi que la bonne
vitesse et de ne pas rester sur place pour ne pas abîmer le bois. Il faut développer sa dextérité : pratiquez sur un bout de bois que vous n’aimez pas ! »Photo Sul-Tanin (Lavergne & Laporte)
Le sulfate de fer est un agent de conservation abordable qui donne au bois une belle teinte argentée.
Pour en savoir davantage
timbersilwood.com
Lavergne Laporte
819.428.2647


Bois traité : au-delà des traitements toxiques

